mercredi 3 avril 2013

Et si ?


Quand mon train est entré en gare, m'arrachant au sommeil profond dans lequel j'avais sombré quarante minutes auparavant - étrange faculté que celle qui me permet de m'éveiller systématiquement à mon arrêt et jamais aux cinq précédents qui ponctuent mon trajet (à croire que mon oreille distingue les crissements des rails qui passent par mon village des crissements des villages précédents) - lorsque j'ai été prise d'un doute terrible...

Et si j'avais ronflé ???

Cette pensée m'a tiré des sueurs froides. Parce que le scénario est connu et familier. Vécu à de nombreuses reprises. Un navetteur épuisé par une intense journée de travail s'endort à peine assis dans le train. Et se met à ronfler. Tout le wagon profite du récital immélodieux (j'aime inventer des mots). Et le pauvre malheureux l'ignore, dormant profondément. S'il est parfois arraché à son sommeil par ses propres ronflements, il en rejette la faute sur les bavardages de ses deux affreuses voisines (qui ne parlent pourtant si fort que pour couvrir son horrible boucan).

Je me souviendrai toujours de l'homme corpulent à la barbe noire et fournie qui a un jour pris place en face de moi. Il s'est rapidement endormi. J'étais plongée dans les aventures d'Anastasia et Christian lorsqu'un ronflement aussi sonore (et surprenant) qu'hilarant m'a forcée à abandonner la déesse intérieur d'Ana à son propre sort (la pauvre). Je n'ai pas été la seule à l'entendre, le wagon entier a sursauté avant d'éclater d'un rire étouffé. Ce qui fait quand même (à la louche) une septantaine de personnes (une soixante-dizaine, pour les français) (ça se dit, ça, une soixante-dizaine ?) (si la réponse est oui, vous êtes vraiment un peuple à la langue étrange, chers voisins). Inutile de vous dire que l'effet Anastasia-sa-déesse-son-Christian-et-son-fouet en a été passablement gâché.

J'ai observé la physionomie de mes voisins sans parvenir à obtenir une réponse à ma question. Et si j'avais ronflé ??? Les gens m'observaient d'un air bizarre - peut-être un mauvais tour de mon imagination - mais aucun ne souriait d'un air moqueur.

Je n'ai pas osé poser la question à voix haute. Parfois, mieux vaut vivre dans l'ignorance.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire