Dans mon billet précédent (ici), j'ai raconté que les ateliers d'écriture auxquels je participe fournissent un guide, pas des règles ni des instructions. C'est vrai. À une exception près. Il y a quelques jours, l'animateur nous a demandé d'intégrer une scène érotique à notre roman. Faire voyager le lecteur au pays des sens.
Il m'était déjà arrivé d'écrire une scène érotique dans un roman. Parce qu'elle coulait de source et s'intégrait très bien au roman. En écrire une "à la demande" ? Jamais. J'étais curieuse et plutôt enthousiaste, j'avoue. Le défi me tentait !
Au moment de partager nos textes, au moment de décider qui prendrait la parole en premier, on entendait les mouches voler. Lire une scène érotique devant cinq personnes, c'est drôlement intimidant. Tellement intimidant que quand je me suis exécutée, j'ai tremblé du début à la fin. (Et rougi). (Beaucoup). (Il m'arrive d'être pudique).
Ça a été une expérience très enrichissante. Une expérience qui m'a tellement plue que ce texte, j'ai envie de le partager. Un extrait de mon roman, donc. Dont certains lecteurs réguliers reconnaîtront peut-être quelques extraits d'un billet rédigé sur ce blog-même. Je m'en suis inspirée lors de la rédaction de ce chapitre.
***
(Un mini contexte : Valérie et Didier étaient mariés depuis vingt ans quand Didier a quitté Valérie, trois mois avant le début de cette scène).
Valérie vidait
le lave-vaisselle quand on sonna à la porte. Elle rangea une assiette à soupe
dans l’armoire, s’essuya les mains, s’assura d’un regard de la propreté du plan
de travail, puis se dirigea vers le hall d’entrée. Elle ouvrit la porte et
hoqueta de surprise.
Didier se tenait
dans l’embrasure de la porte. Il était vêtu d’un épais manteau noir, avait
enfoncé un bonnet de la même couleur sur son crâne nu et brandissait un livre à
la main comme s’il s’agissait d’un précieux trophée.
-
Je peux entrer ?
Valérie mit cinq
longues secondes avant de parvenir à convaincre ses muscles de bouger. Elle
s’effaça pour le laisser passer et l’observa retirer sa veste. Didier n’avait
plus mis les pieds dans leur maison depuis trois bons mois. Le voir sonner à la
porte était la dernière chose à laquelle elle s’attendait. Sous le choc,
incapable de bouger ou de parler, elle le regarda se tourner vers elle, son
livre toujours à la main.
-
J’ai lu un livre…
Sa voix était
rauque, ses yeux marron pétillaient. Il déposa le roman.
-
J’ai lu un livre… Une histoire d’amour. Un roman
dans lequel deux amoureux échangent leur premier baiser.
Il s’approcha
d’elle et Valérie fit un pas en arrière, troublée par l’émotion de sa voix. Il
s’approcha davantage et elle recula encore, jusqu’à sentir le miroir du
vestiaire dans son dos.
-
Ce roman m’a emmené vingt ans en arrière. Nos
doigts entremêlés. Nos lèvres.
Il s’approcha
encore et Valérie se sentit défaillir. Dans son dos, la fraîcheur du miroir.
Face à elle, Didier. Ses yeux plongés dans les siens. Sa voix rauque. Son corps
si proche qu’elle en percevait la chaleur.
-
Ça me manque, Valérie. Tu me manques.
Ces quelques
mots achevèrent de la liquéfier. Ses jambes se mirent à trembler. Didier fit
encore un pas en avant mais cette fois-ci, elle ne chercha pas à s’éloigner. Il
leva une main vers elle, hésita, guetta un mouvement de recul. Comme elle ne se
dérobait pas, il lui caressa la joue. Leurs corps se frôlèrent.
Les barrières de
Valérie s’effondrèrent. Le désir s’empara d’elle, l’envahit.
Elle soupira.
Trois mois. Trois mois qu’elle n’avait plus senti la chaleur d’un corps contre
le sien, la douceur d’une caresse sur son visage. Les doigts de Didier
quittèrent sa joue, montèrent sur son front, rajustèrent une mèche de cheveux
derrière son oreille. Ses mains portaient encore la fraîcheur automnale du
dehors. Valérie frissonna. Sur sa peau, la froideur de leur tracé se
transformait en brasier.
Ses dernières
résistances s’effondrèrent en même temps que désir et colère l’envahissaient. Elle
attira Didier contre elle. Elle avait envie de lui cracher sa souffrance au
visage, envie de lui hurler sa haine, envie de lui faire payer sa trahison.
Elle brûlait de sentir sa peau contre la sienne, ses mains sur son corps, sa
langue sur ses seins.
Colère et désir
s’épanouirent, explosèrent dans sa tête et dans son corps.
Elle leva la
tête. Leurs yeux se croisèrent. Marron et vert, vert et marron. Elle reconnut l’éclat
du désir dans les yeux de son mari. Elle se mit sur la pointe des pieds, il
baissa la tête et leurs lèvres se rencontrèrent. Valérie gémit, bouleversée par
les sensations, troublée par la chaleur qui rongeait son ventre.
Colère et désir,
désir et colère.
Elle attrapa la
lèvre inférieure de Didier entre ses dents, la mordilla, la lécha, la suça. Elle
entendit sa respiration s’accélérer et sourit. Il se libéra, ses lèvres
effleurèrent sa joue, ses dents caressèrent le lobe de son oreille puis
s’attaquèrent à la peau douce de son cou. Valérie bascula la tête en arrière.
Elle se laissa
envahir par le plaisir, s’abandonna aux caresses. Elle ferma les yeux quand
elle sentit ses mains s’aventurer sous son pull, mordit son épaule quand il
caressa ses seins.
Elle n’était
plus seule. Didier était là, avec elle, tout contre elle, bientôt en elle.
Cette pensée la
fit sursauter. Elle se dégagea de son étreinte, l’attrapa par les épaules et le
plaqua à son tour contre le miroir.
Colère et désir,
désir et colère.
Valérie tira sur
la chemise de Didier jusqu’à la dégager de son pantalon. Elle la passa par-dessus
sa tête sans prendre la peine de la déboutonner. Elle le poussa contre le
miroir de l’armoire et se plaqua contre lui, son souffle rauque dans son
oreille, ses hanches entre les siennes, son désir contre le sien.
Elle ne voulait
pas de douceur. Elle voulait lui montrer sa colère, la lui faire sentir et
ressentir, avec son corps, avec sa bouche, avec ses mains. Un sourire naquit
sur les lèvres. Il était venu à elle. Il la voulait, il l’aurait. À sa manière.
Sauvagement. Il n’était pas question d’amour, il était question de corps, de
plaisir, de pouvoir et de revanche.
Colère et désir,
désir et colère.
Valérie repartit
à l’assaut de l’homme qu’elle aimait et qu’elle détestait. Elle allait lui
montrer. Elle allait…
Elle ne fit
rien. Son réveil sonna et elle se réveilla. Elle était seule. Seule dans son
grand lit. Seule avec un brasier dans le ventre. Seule, sans personne pour
l’aider à assouvir le désir éveillé par le rêve. Seule avec une brûlure entre les
jambes, une respiration haletante et un gémissement coincé entre les dents.
Elle était
seule. Didier n’était pas là, pas avec elle, pas tout contre elle, et
certainement pas bientôt en elle. Elle était seule. Seule avec deux enfants à
tirer du lit, un petit déjeuner à préparer et une journée de travail à
commencer.
Colère et désir,
désir et colère. Valérie poussa un cri désespéré. Elle alluma la lampe de
chevet et resta immobile à regarder le plafond. Puis elle repoussa les draps,
se leva et entra dans la salle de bain. Elle avait besoin d’une douche. Une
douche bouillante pour effacer les derniers remugles du rêve et pour la laver
du désir. Ou pour le soulager. Seule, puisque Didier n’était pas là,
puisqu’elle ne pouvait compter que sur elle-même.
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Salut ! Je t'ai taguée pour le Liebster tag nomination, ça permet d'en apprendre un peu plus sur les nouveaux blogueurs/blogueuses. Voici le lien de mon article pour en savoir un peu plus : http://becauseofdreams.blogspot.fr/2014/11/liebster-award-nomination.html
RépondreSupprimerJ'espère que tu accepteras de le faire ;)
Ton texte est prenant. Je ne m'attendais pas à cette chute & bien que peu cliente de ce genre d'histoires (d'amour), j'ai été surprise & plus surprenant encore, je me suis surprise à avoir de la peine pour cette Valérie que je ne connais que depuis quelques lignes. Presque triste pour elle que tout ceci ne fut qu'un rêve bouillonnant de désir.
RépondreSupprimerJe réalise qu'une des choses que j'aime vraiment dans l'écriture, c'est avoir des lecteurs... C'est récent, avant je détestais qu'on me lise... Merci pour ton retour ! :-)
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